Le kakou
Le kakou (on dit moins la kakoute : pourtant
certaines filles font le kakou) est un animal de taille et de corpulence
variables s’épanouissant dans les atmosphères tempérées des salles de classe.
Plus la température monte, plus le kakou se kakouïse.
Le kakou atteint sa maturation à l’âge de 15 ans,
lorsqu’il entre au lycée, et se maintient dans son état de perfection kakou
jusqu’à 18 ou 22 ans, selon son talent à se faufiler à travers les mailles du
filet scolaire.
Les synonymes de kakou sont : chieur, tête de nœud, bogoss, enculé de sa race, caïd, branleur, petit con, fouteur de merde ou gros relou selon le locuteur et son
degré d’exaspération.
Tous ces termes s’emploient également au féminin et
les kakous en utilisent certains.
Il arrive que les kakous, se reconnaissant entre eux,
émettent des bruits proches de l’articulation que les naturalistes transcrivent
d’ordinaire par wesh wesh.
Attitude
Le kakou se tient mal en classe. Il bouge tout le
temps, prend ses notes sur ses genoux, interrompt le cours par des remarques
déplacées pour s’attirer les rires de ses camarades et ne peut pas s’empêcher
de faire le malin. Lorsqu’on lui demande de se taire, le kakou dit que c’est trop abusé.
Le kakou a un temps de concentration très court et,
même sommé de la boucler, balance des conneries comme s’il était programmé pour
pourrir la vie de la classe.
À
retenir : – le kakou se définit avant tout par sa revendication
personnelle de l’espace, temporel, spatial et social.
– le kakou agit comme un coucou dans une
horloge : il est remonté pour sortir mécaniquement des conneries.
Reproduction
Il arrive que les kakous se reproduisent entre eux, mais rarement en
salle de classe.
On suppose plus benoîtement que le kakou est issu
d’une machine à kakous (ne pas confondre avec une boîte à coucou).
Inadmissibilité
1. Inadmissibilité généralement
reconnue
Les professeurs vous le diront : les kakous sont
usants, et on en vient rapidement à les détester parce qu’ils empêchent de
travailler. Si le kakou devient intenable, on tente même de l’expulser de son
habitat naturel, en ayant recours à ce procédé que les naturalistes appellent
l’exclusion de cours.
Le kakou se laisse cependant rarement faire et, lorsqu’il
est en forme, essaie d’échapper à ses chasseurs. Il recourt lui à plusieurs types
de ruses :
– l’embrouille : le kakou répète c’est pas moi qu’ai parlé, c’est pas moi
qu’ai parlé. Si le professeur maintient la sanction, le kakou prend à partie
ses amis kakous et essaie de fomenter une révolution en se levant et en hurlant
au scandale.
– la tchatche : le kakou essaie d’être gentil
avec le professeur qui n’a rien compris,
msieu on parlait du cours, franchement laissez-moi une chance, jpromets jvais
mcalmer.
– l’usure : le kakou refuse de sortir, reste
collé sur la chaise, ancre ses deux pieds sur le sol, écarte bien les jambes,
croise les bras et dit jpartirai pas.
Ces trois procédés sont généralement aléatoirement combinés
par le kakou.
Le professeur, face à ces ruses kakoues, peut
solliciter l’aide d’adjuvants souvent prompts à devenir des opposants, à
savoir : les autres kakous (chances de réussite : 0,1%, sur un
malentendu) ; les autres élèves ; les délégués de classe ; les
surveillants ; les CPE ; le proviseur ; le Président de la
République (qui connaît généralement bien les kakous, soit parce qu’il en est
un lui-même, soit parce qu’il en a dans son gouvernement).
2. Neutralisation des kakous
On n’attrape pas un kakou dans sa
classe comme on chope un rhume en hiver.
Le kakou reste là toute l’année, sauf s’il plante un
autre kakou ou un professeur avec un stylo, un couteau ou un cédé de Sexion
d’Assaut.
Parmi les procédés notables de neutralisation des
kakous, notons :
– L’exclusion.
– Le plan de classe : placer
le kakou entre Marie-Angélique Wagner, qui fait latin-allemand-option lourde,
et Brigitte Duchmolle, l’ennemie personnelle du kakou qui une fois lui a versé
une bouteille d’eau sur la tête et lui a ruiné sa permanente.
Ces deux profils se présentent cependant plus rarement
dans une classe que celui du kakou, qui a plutôt tendance à (ne pas pouvoir)
encadrer Marie-Angélique Wagner. Par ailleurs, dans la mesure où le kakou a la
voix qui porte, il se fout un peu de sa place dans la classe tant qu’il en a
pour s’exprimer.
– La force de l’autorité
professorale (hurlements de rire).
– L’humiliation : ce procédé
prend du temps et demande au professeur d’imaginer tout un scénario pervers
pour que le kakou, rendu ridicule aux yeux de ses camarades, n’ose plus
l’ouvrir de peur d’être vilipendé par iceux. Ce procédé est risqué s’il est
éventé en salle des profs (le professeur devient alors lui-même un paria kakou
qui a perdu son étiquette politiquement correct) ; il demande un fort taux
de machiavélisme et/ou de désespoir.
– Les sédatifs : cette
méthode n’est pas légale.
– La corde à linge : il
paraît que cette méthode n’est pas légale non plus.
– Le passage en boucle d’un cédé
de Céline Dion (cette méthode oblige aux dangers collatéraux).
– Michelle Pfeiffer.
(hurlements de rire)
3. Vraie inadmissibilité du
kakou
Cependant ce que ratent généralement les professeurs,
c’est l’inadmissibilité esthétique du
kakou.
Attention : il ne s’agit pas de prétendre que le
kakou s’habille mal ou est affreux à regarder. Il y a en effet des kakous laids
et des kakous beaux, même s’ils fréquentent les mêmes crémeries.
Ce qui ne change pas en revanche, c’est que le kakou,
issu de sa machine à kakous, est interchangeable
et indissociable d’un autre kakou dans l’espace de la classe. Le kakou
agresse : c’est un fait – par son attitude, son manque de respect, son
vocabulaire et son insolence.
(Professeur se prenant trop pour Michelle Pfeiffer
dans Esprits rebelles.)
Mais il agresse aussi parce qu’il est à lui-même sa
propre caricature (un peu comme certains professeurs : voir un article
suivant). Le kakou manque très cruellement d’originalité : alors même
qu’il revendique une place d’exception dans l’espace-classe, il imite
exactement celui de la classe d’à-côté ou du jour suivant (il y a des kakous du
jeudi et du kakou du lundi, des kakous de la salle 121 et des kakous de la
salle 227b ; et ainsi il n’y a pas une meilleure cuvée kakoue qu’une autre).
D’où cette hypothèse : ce qui pourrait détruire
le kakou de l’intérieur, serait de prendre conscience qu’il n’est qu’un nain de
jardin monté sur ressort et bande-magnétique.
Ou pas.