Screenplay #1
1.
L’argument
Avant de rédiger le scénario, il faut
s’assurer que le projet est viable, autrement dit que le spectateur américain
moyen a déjà vu le film, sinon il flippe à mort et il a l’impression de
regarder du Woody Allen, et ça, ça l’envoie aux urgences psychiatriques. Or les
créatures mythologiques ont assez curieusement la cote auprès des majors, le
kitsch assez prodigieux de ce type de projet ne paraissant effleurer personne –
quand il nous frappe nous avec un gros parpaing. Ainsi, un ado se découvrant
des pouvoirs et même une ascendance dans le panthéon grec, utile pour lutter
contre les méchants, compose une trame narrative idiote qui a déjà convaincu
une équipe entière de tournage ; qu’on se souvienne de l’autrement
mythique Percy Jackson, adapté des romans de Rick Riordan
par le réalisateur de Harry Potter 1 et 2 (non, ce n’est pas
une référence), pour la Fox. Cette hypo- ou supoproduction (laissons
l’appellation « superproduction » aux productions super) a permis d’engranger
226 millions de dollars de recette.
De même, des machins
scandinaves en armure se disputant les faveurs paternelles est l’argument
shakespearien (selon son réalisateur : Kenneth Branagh) de Thor,
franchise de la Paramount, qui a rapporté 449 millions de dollars. Ceci montre
que le ridicule, loin de tuer, rapporte de la maille !
Quel montage. Quel homme.
Alors qu’un Thor
2 est en production (ce qu’on appelle un double tort) une simple
équation impose Les Chevaliers du Zodiaque sur grand
écran : de la mythologie à effets spéciaux + les acteurs de la
génération Twilight + d’immenses talents de scénariste et de
casteur = franchise en tétrapack pour 4x plus de bonheur.
2.
Découpage de la tétralogie : épisode 1 – "Les Chevaliers de Bronze"
Le film#1 reprendrait
la formule classique éprouvée par Harry Potter 1 des héros
extraits du cadre spectatorial de la normalité pour finalement basculer dans le
n’importe quoi (vous êtes enlevés par un géant qui sent mauvais et qui vous
habille en robe). Le film commence avec le Chevalier du Sagittaire remettant le
bébé Saori-Athéna et son armure d’or à M. Kido, afin qu’ils les sauvent tous
les deux du Grand Pope. Cette scène d’ouverture a deux avantages : 1) Elle
pose d’entrée le Grand Pope comme le méchant 2) Elle pose d’entrée l’armure d’or
(on ignore qu’il y en a davantage) et la petite Saori comme des objets de
convoitise.
Générique cosmique. Les fans bavent
dans la salle, et la génération Twilight, que nous appellerons ici en bon simply-marketing le
« public cible », se passe le pop-corn en essayant de
savoir si le voisin a compris ce qui se passait et où sont Bella et Jacob. Notons
que l’intérêt de cette production réside dans son argument viril du combat pour
la gloire, propre à attirer, grâce à un effet palimpsestueux de casting, la
frange plus masculine du public de Twilight. Puisqu’il s’agit de l’adaptation
d’un manga pour garçons, un « shônen », exit les sagas
familiales où l’on rencontre l’amour de sa vie à 11 ans et où l’on pouponne dans
l’épisode 4.
Passée
la scène d’intro, on arrive dix-huit ans plus tard, et nos héros se préparent
au tournoi qui verra l’attribution des armures de Chevaliers de bronze. Pendant
les combats, on a des flash-back inadmissibles avec filtre de couleur
attributive (argenté pour Pégase, bleu pour le Cygne, vert pour le Dragon, et
rose, bien sûr, pour Kristen Andromède Stewart) afin de bien comprendre qui ils
sont et quel univers traumatoceptif est le leur : Shiryu et sa cascade,
Hyoga et sa maman, Pégase et sa Marine, Shun et son frère qui s’est sacrifié
pour lui en allant sur l’Île de la Mort – filtre orange. Et alors qu’ils
viennent de gagner leur armure respective (une box en métal qui fait sac à dos),
pof, d’infâmes malandrins volent l’armure d’or qui trône dans le Colisée.
Ni une ni deux, armures de pouvoir,
hop, les quatre héros se mettent à la poursuite des voleurs. C’est la séquence
des Chevaliers noirs. On vous la fait rapide : notre cible va hurler de
terreur et d’indignation parce que Shun va prendre une branlée, que Seiyar va
choper la peste noire et que Ikki est un gros enfoiré. Comme il faut fondre pas
mal d’épisodes en un, par esprit de synthèse on dira qu’ici Ikki est blessé à
mort par Seiyar, et qu’il meurt dans les bras de son frère en se repentant de
sa méchanceté apprise sur l’Île de la Mort. Naturellement, la dénonciation en
sous-texte de la culture des enfants-soldats, juxtaposée sur un pastiche
ironique de l’Île aux enfants, sera présente dans tous les esprits.
Puis tout va bien, on rentre à la
maison avec l’armure d’or. Mais les Chevaliers d’argent envoyés
par le Grand Pope viennent pour réclamer l’armure d’or avec des mines
patibulaires : nos adolescents attardés se battent contre deux adversaires
redoutables, Shaina-Lady Gaga et Algol de Persée (Grant Gustin, vu en méchant
machiavélique dans Glee, a signé le
contrat hier).
[Nous avons beaucoup discuté du
découpage des épisodes de la tétralogie, et il apparaissait qu’on ne pouvait
pas balancer le Sanctuaire et les Douze Maisons comme ça, au débotté, dans le
premier film. Ce dernier se doit d’introduire vraiment les enjeux
métaphysiques, cosmogoniques et politiques de la bataille du Sanctuaire – et
les yeux crevés de Shiryu, qui marqueront à vie la cible comme elle nous
a marquée. Les yeux crevés de Shiryu, c’est comme la mort de Jim Morrison pour
la génération qui a précédé, comme la mort de Dumbledore pour celle qui a
suivi. C’est à la fois, tragique, incompréhensible et très pur (comme la bonne
héroïne).]
Donc Seiyar se bat contre Shaina,
Shun est transformé en pierre (par chance Kristen Stewart a l’expression faciale d’un caillou), on ne sait plus où est Hyoga, et quand Seiyar succombe à
son tour au regard de Méduse, Shiryu se retrouve seul pour sauver ses amis. Il
les sauve aveugle, naturellement.
Saori dit que le Grand Pope est en
pleine dégénérescence ; on se la coule douce avec du sirop de grenadine,
Shiryu va voir Shunrei et son maître Yoda de façon à intercaler un charmant intermède
bucolique. Mais cette fois-ci c’est le Chevalier d’or du Lion (Sam Worthington
vient de confirmer sa participation) qui s’amène pour réclamer l’armure. Il
faut voir que tout le film est construit sur cette progression qui dévoile peu
à peu l’organisation du cosmos Chevalier : les Chevaliers de bronze, les
Chevaliers d’argent, le Chevalier d’or – en fait les Chevaliers
d’or.
Bref, Sammy envoie devant lui des
Chevaliers d’argent, dont l’un qui fait beaucoup de flammes. Tout le monde
prend cher (sauf Shiryu, qui est rentré voir Shunrei et Yoda), Ikki renaît de
ses cendres à cause du brasier allumé par le Chevalier d’argent, et vient
sauver la mise en s’alliant avec Shun (la génération Twilight twitte
« Tro génial CDZ ça fé tro dé frisson #éfékisscool »). Les Chevaliers
d’argent sont morts et sur ces entrefaites arrive le Chevalier du Lion. C’est
Saori qui l’amadoue en faisant jouer ses cheveux et en lui expliquant que son
grand frère l’a sauvée, elle, Athéna – prosterne-toi, noble mortel – alors que
le Grand Pope voulait la tuer, et que, donc, c’est le Grand Pope qui a maravé
la tête de son grand frère – Le Chevalier du Sagittaire ! (C’est la première fois que
Jennifer Lawrence aura une telle révélation à faire sur un écran de
cinéma ; parce que « je vais gagner les Hunger Games », personne n’y croit.) Ici le film doit sentir
la fin, avec nos héros blessés, Ikki revenu comme le phénix et soutenant son
frère, Shiryu courant les retrouver, de la musique épique, un gros incendie
dans la forêt, Sam Worthington qui pleure, Saori qui fait bouger ses cheveux,
et la génération Twilight qui comprend que
son signe du zodiaque est représenté par une armure d’or, et qui perçoit enfin tout
le génie de cette histoire.
Clac, Grand Pope. Le Chevalier du
Lion n’est pas content et vient se plaindre. Mais le Grand Pope lui démonte la
tête, s’insinue dans son cerveau et le rend… méchant.
Fin du film.
Prochain
épisode : Le film #2
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