lundi 9 juillet 2012

Les Chevaliers du Zodiaque, Le Film (2)

Screenplay #1

1. L’argument

    Avant de rédiger le scénario, il faut s’assurer que le projet est viable, autrement dit que le spectateur américain moyen a déjà vu le film, sinon il flippe à mort et il a l’impression de regarder du Woody Allen, et ça, ça l’envoie aux urgences psychiatriques. Or les créatures mythologiques ont assez curieusement la cote auprès des majors, le kitsch assez prodigieux de ce type de projet ne paraissant effleurer personne – quand il nous frappe nous avec un gros parpaing. Ainsi, un ado se découvrant des pouvoirs et même une ascendance dans le panthéon grec, utile pour lutter contre les méchants, compose une trame narrative idiote qui a déjà convaincu une équipe entière de tournage ; qu’on se souvienne de l’autrement mythique Percy Jackson, adapté des romans de Rick Riordan par le réalisateur de Harry Potter 1 et 2 (non, ce n’est pas une référence), pour la Fox. Cette hypo- ou supoproduction (laissons l’appellation « superproduction » aux productions super) a permis d’engranger 226 millions de dollars de recette.



     De même, des machins scandinaves en armure se disputant les faveurs paternelles est l’argument shakespearien (selon son réalisateur : Kenneth Branagh) de Thor, franchise de la Paramount, qui a rapporté 449 millions de dollars. Ceci montre que le ridicule, loin de tuer, rapporte de la maille !

     Alors qu’un Thor 2 est en production (ce qu’on appelle un double tort) une simple équation impose Les Chevaliers du Zodiaque sur grand écran : de la mythologie à effets spéciaux + les acteurs de la génération Twilight + d’immenses talents de scénariste et de casteur = franchise en tétrapack pour 4x plus de bonheur.

2. Découpage de la tétralogie : épisode 1 – "Les Chevaliers de Bronze"



     Le film#1 reprendrait la formule classique éprouvée par Harry Potter 1 des héros extraits du cadre spectatorial de la normalité pour finalement basculer dans le n’importe quoi (vous êtes enlevés par un géant qui sent mauvais et qui vous habille en robe). Le film commence avec le Chevalier du Sagittaire remettant le bébé Saori-Athéna et son armure d’or à M. Kido, afin qu’ils les sauvent tous les deux du Grand Pope. Cette scène d’ouverture a deux avantages : 1) Elle pose d’entrée le Grand Pope comme le méchant 2) Elle pose d’entrée l’armure d’or (on ignore qu’il y en a davantage) et la petite Saori comme des objets de convoitise.

     Générique cosmique. Les fans bavent dans la salle, et la génération Twilight, que nous appellerons ici en bon simply-marketing le « public cible », se passe le pop-corn en essayant de savoir si le voisin a compris ce qui se passait et où sont Bella et Jacob. Notons que l’intérêt de cette production réside dans son argument viril du combat pour la gloire, propre à attirer, grâce à un effet palimpsestueux de casting, la frange plus masculine du public de Twilight. Puisqu’il s’agit de l’adaptation d’un manga pour garçons, un « shônen », exit les sagas familiales où l’on rencontre l’amour de sa vie à 11 ans et où l’on pouponne dans l’épisode 4.

     Passée la scène d’intro, on arrive dix-huit ans plus tard, et nos héros se préparent au tournoi qui verra l’attribution des armures de Chevaliers de bronze. Pendant les combats, on a des flash-back inadmissibles avec filtre de couleur attributive (argenté pour Pégase, bleu pour le Cygne, vert pour le Dragon, et rose, bien sûr, pour Kristen Andromède Stewart) afin de bien comprendre qui ils sont et quel univers traumatoceptif est le leur : Shiryu et sa cascade, Hyoga et sa maman, Pégase et sa Marine, Shun et son frère qui s’est sacrifié pour lui en allant sur l’Île de la Mort – filtre orange. Et alors qu’ils viennent de gagner leur armure respective (une box en métal qui fait sac à dos), pof, d’infâmes malandrins volent l’armure d’or qui trône dans le Colisée.


     Ni une ni deux, armures de pouvoir, hop, les quatre héros se mettent à la poursuite des voleurs. C’est la séquence des Chevaliers noirs. On vous la fait rapide : notre cible va hurler de terreur et d’indignation parce que Shun va prendre une branlée, que Seiyar va choper la peste noire et que Ikki est un gros enfoiré. Comme il faut fondre pas mal d’épisodes en un, par esprit de synthèse on dira qu’ici Ikki est blessé à mort par Seiyar, et qu’il meurt dans les bras de son frère en se repentant de sa méchanceté apprise sur l’Île de la Mort. Naturellement, la dénonciation en sous-texte de la culture des enfants-soldats, juxtaposée sur un pastiche ironique de l’Île aux enfants, sera présente dans tous les esprits.
     Puis tout va bien, on rentre à la maison avec l’armure d’or. Mais les Chevaliers d’argent envoyés par le Grand Pope viennent pour réclamer l’armure d’or avec des mines patibulaires : nos adolescents attardés se battent contre deux adversaires redoutables, Shaina-Lady Gaga et Algol de Persée (Grant Gustin, vu en méchant machiavélique dans Glee, a signé le contrat hier).

He is a smooth criminal.

     [Nous avons beaucoup discuté du découpage des épisodes de la tétralogie, et il apparaissait qu’on ne pouvait pas balancer le Sanctuaire et les Douze Maisons comme ça, au débotté, dans le premier film. Ce dernier se doit d’introduire vraiment les enjeux métaphysiques, cosmogoniques et politiques de la bataille du Sanctuaire – et les yeux crevés de Shiryu, qui marqueront à vie la cible comme elle nous a marquée. Les yeux crevés de Shiryu, c’est comme la mort de Jim Morrison pour la génération qui a précédé, comme la mort de Dumbledore pour celle qui a suivi. C’est à la fois, tragique, incompréhensible et très pur (comme la bonne héroïne).]

Quel montage. Quel homme.

     Donc Seiyar se bat contre Shaina, Shun est transformé en pierre (par chance Kristen Stewart a l’expression faciale d’un caillou), on ne sait plus où est Hyoga, et quand Seiyar succombe à son tour au regard de Méduse, Shiryu se retrouve seul pour sauver ses amis. Il les sauve aveugle, naturellement.
     Saori dit que le Grand Pope est en pleine dégénérescence ; on se la coule douce avec du sirop de grenadine, Shiryu va voir Shunrei et son maître Yoda de façon à intercaler un charmant intermède bucolique. Mais cette fois-ci c’est le Chevalier d’or du Lion (Sam Worthington vient de confirmer sa participation) qui s’amène pour réclamer l’armure. Il faut voir que tout le film est construit sur cette progression qui dévoile peu à peu l’organisation du cosmos Chevalier : les Chevaliers de bronze, les Chevaliers d’argent, le Chevalier d’or – en fait les Chevaliers d’or.


Les filles ont toujours été fans du chevalier du Lion.
Avec Sammy, elles seront servies.

     Bref, Sammy envoie devant lui des Chevaliers d’argent, dont l’un qui fait beaucoup de flammes. Tout le monde prend cher (sauf Shiryu, qui est rentré voir Shunrei et Yoda), Ikki renaît de ses cendres à cause du brasier allumé par le Chevalier d’argent, et vient sauver la mise en s’alliant avec Shun (la génération Twilight twitte « Tro génial CDZ ça fé tro dé frisson #éfékisscool »). Les Chevaliers d’argent sont morts et sur ces entrefaites arrive le Chevalier du Lion. C’est Saori qui l’amadoue en faisant jouer ses cheveux et en lui expliquant que son grand frère l’a sauvée, elle, Athéna – prosterne-toi, noble mortel – alors que le Grand Pope voulait la tuer, et que, donc, c’est le Grand Pope qui a maravé la tête de son grand frère – Le Chevalier du Sagittaire ! (C’est la première fois que Jennifer Lawrence aura une telle révélation à faire sur un écran de cinéma ; parce que « je vais gagner les Hunger Games », personne n’y croit.) Ici le film doit sentir la fin, avec nos héros blessés, Ikki revenu comme le phénix et soutenant son frère, Shiryu courant les retrouver, de la musique épique, un gros incendie dans la forêt, Sam Worthington qui pleure, Saori qui fait bouger ses cheveux, et la génération Twilight qui comprend que son signe du zodiaque est représenté par une armure d’or, et qui perçoit enfin tout le génie de cette histoire.
    Clac, Grand Pope. Le Chevalier du Lion n’est pas content et vient se plaindre. Mais le Grand Pope lui démonte la tête, s’insinue dans son cerveau et le rend… méchant.
     Fin du film.

Prochain épisode : Le film #2



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