vendredi 18 novembre 2011

Coule la résine / S'agglutine le venin (Alain Bashung)





L'inadmissible, c'était l'hypothèse d'un précédent article, trouve son origine dans le nain de jardin (et si la France est un jardin...). Le nain de jardin en effet semble être la forme prototypique de tout inadmissible, son modèle parfait, le meilleur exemple attaché à cette catégorie si l'on se fonde sur la sémantique du prototype (Eleanor Rosch, Hilary Putnam, Georges Kleiber). Et l'animal en résine décoratif grandeur nature est une déclinaison de ce prototype.
Signes d'un exotisme au rabais, ces répliques d'animaux n'ont rien à faire sous nos latitudes ou dans nos jardins d'urbains: pourquoi se procurer l'animal en résine quand on peut avoir un vrai dindon, quand on a l'espace nécessaire au vrai dindon (et l'espace, les deux photographies en font étalage)? La petite fille de la première image, certes, n'aurait pas pu poser si sagement avec l'animal vivant; l'animal en résine, lui, ne risque pas de chier dans la colle. Mais c'est ainsi qu'on forme des armées d'impuissants naturalistes, qui croient que:
1) l'animal n'est que décoratif (cf. l'article à venir sur les trophées de chasse)
2) la décoration de bon ton se fait toujours en résine (voir "La lampe et le vice").

Ces animaux à hauteur d'homme (à tel point que la petite fille s'agenouille pour être au même niveau que le dindon, qui puisqu'il n'est pas vivant -- mais pas mort pour autant, attention --, ne peut pas se pousser du col) sont d'autant plus inadmissibles par leur proximité, sur chacune de ces deux photographies, avec des humains amateurs de résine. Le contraste, nous l'évoquions avec l'abaissement de la petite fille, n'est pas du tout en faveur de l'humain, qui semble presque plus coincé que l'animal exposé. Ainsi le crocodile, mis en scène face à l'hippopotame lymphatique, attire la lumière pendant que l'événement, ainsi qu'il est désigné par la légende, bat son plein, ça oui.
C'est la fête.
Les humains à l'arrière plan, hors de la lumière du premier, tournent d'ailleurs résolument le dos aux 16 kg de la bête (pour le crocodile: il faut imaginer que l'hippopotame leur appartient et qu'il était déjà en place: n'oublions pas que c'est une soirée entre gens de goût).
On remarquera la robe de la petite fille et son serre-tête fantaisie, dont le bleu est idéalement assorti à la robe du dindon, même si on eût préféré de simples lignes, et pas ces carreaux qui cassent un peu l'ambiance. Des deux, du dindon et de la fillette (celui qui a pensé "de la dinde" est prié de verser une participation à la British Kunekune Pig Society), on ne sait lequel a choisi ses couleurs en fonction de l'autre.


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