jeudi 1 décembre 2011

La montée du Calvaire





Depuis 1884, la société des artistes indépendants tient annuellement salon, pour le plus grand plaisir du public. Et chaque année le phénomène se reproduit : c’est les yeux continuellement écarquillés que l’on fait le tour de l’exposition. Le principe et aussi l’intérêt de la société depuis sa fondation tient à cette devise : « ni jury, ni récompense ». Par là il s’agissait de s’extraire du carcan académique élitiste et bêcheur qui avait recalé les artistes du « vrai » Salon de peinture et de sculpture de 1863. L’histoire raconte que ce salon obtint un immense succès populaire. Les gens se pressaient pour pouvoir se gausser devant le travail brouillon et grotesque des losers, ces nuls qui avaient le culot d’exposer quand même ! Édouard Manet avec son Déjeuner sur l’herbe en était. Sans doute à cause de leur sale caractère, allié à la radicalité de leur technique, en un mot à cause de leur modernité, ceux qui s’étaient vu fermer les grandes portes avaient obtenu de l’Empereur le droit d’y pénétrer par l’entrée de service. Ce fut la première et seule édition du « salon des refusés ».






Cette formidable impulsion indépendantiste a ensuite donné naissance à la fameuse Société, laquelle ne pouvait manquer de faire les mêmes erreurs que l’Académie et acceptait donc en son sein tous ceux qui s’en sentaient dignes. À leur salon – c’est ce qui apparaît en premier sur les statuts de l’association – point de recalés parce que point de censeurs. Pour cette raison, on s’explique mal l’éviction du tableau de Marcel Duchamp Le nu descendant un escalier à l’exposition annuelle de 1912, mais qu’importe ! Le même esprit moderne et frondeur souffle sur l’actuel salon de ces indépendants, qui se tient au Grand Palais sous l’appellation « Art en capital ». Fini le diktat des bourgeois. Plus de tabou, plus de scrupules, ici on tolère de voir du vrai nu, des vrais matériaux, du vrai gribouillage gestuel. On s’autorise même le tableau d’inspiration religieuse, mais résolument plus écolo, plus champêtre, et avec cela plus iconoclaste. C’est encore peu dire de l’audace qui a présidé à cette crucifixion des coquelicots, dans une débauche virtuose d’écarlate et d’incarnat. Comment réagiraient-ils, les badauds sous Napoléon III, devant pareil spectacle ? Ils se tiendraient les côtes. Et franchement, sans craindre pour la fortune future de ces croutes capitales, on peut bien faire de même.




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