dimanche 4 décembre 2011

PIMP YOUR PET

Dès le Moyen-Âge, époque où la pensée ne s’effectue qu’en termes de grandes dichotomies, les marges des bréviaires et livres d’heures sont truffées de représentations d’animaux anthropomorphisés où généralement les rôles entre humains et animaux sont inversés afin de railler la bêtise humaine (ou l’humanité bête). À la fin du 16e siècle, des gravures composées de grilles offrant plusieurs scènes indépendantes d’inversion, et presque toujours intitulées « le monde à l’envers », témoignent de la volonté de subversion de l’ordre existant. – Que ce soit entre règne animal et humain, où les proies se vengent de leurs prédateurs : les souris chassent les chats, les moutons tuent les loups ou tondent les têtes humaines, les cochons pendent les humains par les pieds pour en faire de la charcuterie, les oiseaux gardent les humains en cage, et même les arbres prennent leur revanche en sciant des hommes pour en faire des planches. – Ou qu’il s’agisse d’une inversion même des rôles entre homme et femme puisqu’il n’est pas rare de trouver des gravures représentant une femme battant son mari. Il s’agissait d’une parodie très répandue de la prise de pouvoir par les femmes, idée considérée comme absurde par le clergé masculin et donc abondamment représentée dans les bas-reliefs de miséricordes afin de décourager les plus féministes.

Au 20e siècle, on observe la réactivation de ces inversions des mondes dans la littérature (Georges Orwell, La Ferme des animaux, 1945 ou Pierre Boulle, La Planète des singes, 1963), puis dans le cinéma. Rappelons-nous notamment de cette célèbre scène des Monty Python dans Sacré Graal (1975) où un adorable petit lapin blanc s’avère être un tueur impitoyable qui l’emporte sur les chevaliers du Roi Arthur dans une orgie sanglante. Mais revenons à nos moutons.

Dans la vie réelle, c’est dès la Renaissance qu’on trouve des exemples d’animaux (chiens, singes) vêtus d’habits cousus sur mesure, faisant d’eux des petits humains facétieux destinés à distraire leurs maîtres. Cette pratique a perduré au fil des siècles, menant à des développements aussi ingénieux que fantasques. Les animaux de compagnie, principalement les chiens et les chats, se voient dorénavant affublés de toutes sortes de vêtements : qu’ils soient d’ordre pratique (contre les intempéries) ou purement inutiles afin de les rendre ridicules (et donc de permettre à leurs gentils maîtres de se payer une bonne tranche de rire) ou de les faire ressembler à des petits enfants (et donc de combler un vide affectif ou un besoin d’enfant insatisfait).

Mais au 21e siècle, une tendance proprement déviante et inadmissible voit le jour et nous interpelle sur l’efficacité du rôle de Brigitte Bardot (Brigitte, arrête d’inciter à la haine raciale et occupe-toi donc des bêtes). En effet, lassés de devoir coudre petits manteaux, bonnets et autres accessoires que leurs amis canins et félins détruisaient en signe de rébellion contre cette domination de l’homme sur l’animal, certains homines sapientes ont trouvé la solution en choisissant de les transformer en intervenant directement sur le pelage de l’animal, évitant ainsi le saccage de dures heures de labeur. Ainsi donc était né le mouvement « Pimp Your Pet », possédant déjà une certaine popularité en Chine et aux États-Unis où des présentations publiques et des concours sont organisés.

On observe au moins 3 tendances dans ce mouvement :

a) vous avez toujours rêvé d’avoir un animal sauvage mais la loi vous l’interdit ? Pas de problème, il vous suffit de prendre votre animal de compagnie, de la teinture, une photo de l’animal tant désiré et avec un peu de patience et une extrême application le tour est joué. Vous pouvez vous faire aider par un tiers, de préférence quelqu’un-e possédant une formation coloriste. Votre chowchow peut ainsi devenir un panda et votre golden retriever un tigre du Bengale sans avoir les inconvénients de devoir vous fournir en bambous pour son déjeuner ou de craindre une morsure mortelle.

b) votre animal est un con, il vous en fait voir de toutes les couleurs, et vous voulez vous venger ? Pas de problème, là aussi il vous suffit de prendre votre animal de compagnie, de la teinture, une idée diabolique ou saugrenue et avec un peu de patience et une extrême application le tour est joué. Vous pouvez par exemple peindre votre chat du magnifique motif écossais rappelant celui de votre canapé pour que, grâce à l’effet camouflage, on s’asseye de tout son poids sur l’animal tranquillement en train de pioncer (Ah pardon Félix, j’t’avais pas vu, m’en veux pas surtout hein). Vous pouvez également en faire la risée du voisinage en peignant par exemple son arrière-train de façon humoristique : il se prendra ainsi quelques bonnes tannées par les mâles dominants (Je te l’avais bien dit de ne pas aller traîner n’importe où, c’est bien fait).

c) vous vous êtes toujours senti une âme d’artiste mais vous êtes nul en dessin ? Pas de problème, votre animal de compagnie, grâce à sa forme volumétrique vous aidera à réaliser vos idées les plus folles. Armez-vous de ciseaux, tondeuses, teintures et autres accessoires et laissez libre court à votre créativité. Dans un souci d’art total, vous pouvez vous aussi vous déguiser selon le thème choisi. Vous pouvez par exemple rendre hommage à de grands films comme Pirate des Caraïbes ou Lawrence d’Arabie, donner vie à votre tortue ninja préférée ou, en restant dans le registre de la fiction, évoquer la conquête spatiale. Vous trouverez plus d'idées créatives ici.

Défenseuse invétérée du mouton et du vison, Brigitte donc, on se demande vraiment à quoi tu sers et nous proposons la création d’un comité pour la dignité des animaux où ceux-ci, dans un souci de rétablissement de la morale et de l’éthique bafoués, se verraient le droit de poursuivre leurs maîtres abusifs. Une seule sentence : œil pour œil, croc pour dent.

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