mardi 6 décembre 2011

Inadmissible, j'écris mon nom (2/4)


Le rapport parfois étrange entre chanson et Hollywood est un sujet captivant pour qui se donne la peine d’étudier l’inadmissible contemporain. C’est aussi pour le chercheur cuistre que je suis l’occasion de me livrer à une non moins inadmissible session de name-dropping, pour le plaisir de ce qu’on a coutume d’appeler après lecture des procès verbaux de Lindsay Lohan « le vertige de la liste ».

Munie d’un micro et de vêtements trop petits, la chanteuse aime la lumière des projecteurs et les partenaires sexuels potentiels qui lui sont proposés à chaque vidéo-clip, mais une question existentielle demeure pour elle, soulevée dans une chanson métadiégétique de Britney Spears : « Mais s’il ne manque rien à ma vie, comment se fait-il que je pleure la nuit ? » (Lucky, 2000). La réponse tient à un mauvais script.

Le désir profond de la chanteuse pourrait bien être celui de faire l’actrice. Mais les destins sont croisés, à la faveur d’une détermination à faire parler de soi que chanteuses et actrices américaines ont en commun. Aussi, que les chanteuses se sentent une âme d’actrice et finissent même par changer de carrière (et de couleur de cheveux, Mandy Moore), ou que des actrices poussent la chansonnette pour le petit écran (Gwyneth Paltrow dans Glee) ou pour rien (Tatyana Ali) : tout est bon pour donner de la voix.

On se gardera bien cependant de parler de rapport dialectique, et ce malgré le risque de voir le « film de chanteuse » devenir un genre à part entière, propre à constituer cet Aufhebung. Car bien sûr, il ne saurait être question ici des comédies musicales faisant confiance à des chanteuses pour tenir la note (Lauryn Hill, Sister Act 2 en 1993 ; Madonna, Evita en 1996), parce que là, c’est tricher. On tentera donc d’établir une typologie des participations des chanteuses à un projet strictement cinématographique (lol) selon l’importance – parfois le poids – de leur importance au montage.

a) Premier rôle :

Oui, nombreuses sont celles qui, inspirées par l’exemple illustre de Whitney Houston (jeune) ont tenté de s’en sortir aussi bien qu’elle dans une fiction. Par ordre de dignité : Aaliyah en vampire égyptienne (La reine des damnés, 2002), Beyoncé en Diana Ross (Dreamgirls, 2006), Britney Spears en jeune première, alors qu’on l’attendait davantage dans une adaptation de La Cantatrice chauve (Crossroads, 2002), Mariah Carey en elle-même (Glitter, 2001), Christina Aguilera enfin, qui dans Burlesque (2010) prend très très Cher…

b) Vrai (second) rôle :

Rappel d’études cinématographiques US : un second rôle est un premier rôle mais de second plan, réservé dans l’industrie du film aux interprètes afro-américains. Ceci posé, on peut relever la performance réalisée par ces tragédiennes en herbe, luttant pour que soit enfin reconnu leur talent. Ainsi Christina Milian tient-elle un vrai rôle d’hypocrite, interprétant sobrement dans Be Cool (2005) le titre « I’m a beliver (je suis croyante) » alors que 2 ans plus tôt elle se roulait à moitié nue dans le goudron (Dip it low). Vrai rôle de fausse moche pour Janet Jackson dans la suite d’un film qui n’en méritait pas (La famille Foldingue, 2000) ; d’emmerdeuse qui meurt de bon sens pour Brandy (Souviens-toi l’été dernier 2, 1998) ; et enfin de fille dont le protagoniste pourrait bien retomber amoureux (Samanta Mumba, The Time-Machine, 2002)… J’en oublie peut-être mais mon goût de l’exhaustivité ne m’a quand même pas poussé à voir le film de l’ex Destiny’s Child Kelly Rowland (The Seat Filler, 2004), de Jessica Simpson (Shérif fais-moi peur, 2005), de Norah Jones (My Blueberry Nights, 2007), ni même de Jessica Mauboy (Bran Nue Dae, 2009), australien il est vrai.

c) Featuring (oui, comme dans un tube de R’n’B) :

La terminologie changeant d’un domaine d’étude à l’autre, il n’est pas courant au cinéma de parler de featuring (apparition), réservé à la musique où le terme désigne la participation ponctuelle d’un interprète sur le titre d’un autre mais n’allant pas jusqu’au duo. À l’écran, on parle en général de « silhouette » ou de « potiche ». Néanmoins dans le cas de chanteuses se compromettant dans des films mais pas par leur jeu, on est bien en droit d’utiliser le terme, gageant qu’en matière d’inadmissible, l’essentiel c’est de participer. Cédant donc au principe de la gratuité pure, on voit apparaître Pink dans Charlie’s Angels Full Throttle (2003) ; Avril Lavigne dans Canadian Pie (2004) ; mais sans nous substituer à nos estimés collègues des « Razzie Awards », on peut quand même attribuer la récompense de la performance la plus vaine à Joss Stone, pour son apparition quasi-ectoplasmique dans Eragon (2006), abattant par KO la potichitude de Gwen Stefani, mal aperçue en Jean Harlow dans Aviator (2004).

d) Blondes à voix :

Restent les pauvres hères qui tentent tout pour être vues et immédiatement moquées, mais pour lesquelles une qualité particulière transcende les interprétations dramatiques comme musicales jusqu’à passer pour leur entéléchie : la vulgarité. On pense immédiatement à Paris Hilton, que rien n’arrête. Mais alors qu’un blog entier devrait se consacrer à son inadmissibilité (je ne parle pas de celui de son jumeau maléfique, Perez Hilton, déjà existant), contentons-nous de rappeler que non contente d’avoir ravi des millions de non-fans en consentant à mourir dans La Maison de cire (2005), elle a également attiré l’attention de la communauté scientifique par une fracassante vérité immuable de l’univers, et en chanson : « Stars are blind », que ne fût-elle pas stellaire à son tour. Enfin, pour finir pêle-mêle sur ce glorieux phénomène culturel qu’est le poly-carriérisme de la femme anglo-saxonne, celle qui sait tout faire : Scarlett Johansson ; celle qui ne sait rien faire : Lindsay Lohan ; et celle dont on ne sait que faire : Jennifer Lopez.

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